Le nouveau Premier ministre palestinien était à Bruxelles ce mardi, pour son premier déplacement à l’étranger depuis sa nomination, il y a deux semaines, par le président Mahmoud Abbas. Mohammed Shtayyeh a participé à la traditionnelle conférence des pays donateurs pour la Palestine, à un moment crucial pour le Proche-Orient.
Le plan de paix américain, présenté comme "l’accord ultime" par la Maison Blanche, devrait être dévoilé après le ramadan, c’est-à-dire début juin. Pour Mohammed Shtayyeh, cette intiative du président Donald trump n’a aucune chance d’aboutir ; elle n’aura le soutien ni des Palestiniens, ni du reste de la communauté internationale.
"Certains nous reprocheront de prendre position contre quelque chose que nous n’avons pas lu, remarque le Premier ministre. C’est vrai : nous n’avons pas vu "l’accord ultime" du président Trump. Nous avons vu pire que le texte : nous avons vu les actions sur le terrain." Mohammed Shtayyeh cite le déplacement de l’ambassade américaine à Jérusalem, la fin des financements pour les Palestiniens et la fermeture de la représentation de l’OLP à Washington. "Ce ne sont pas des actions innocentes. Ce sont des préparatifs qui font partie de ce plan. Nous avons rejeté ce qui a été fait, implémenté comme partie de ce plan."
Le chef du gouvernement palestinien compte sur le soutien de la communauté internationale à la solution à deux États, qui prévoit la création d’un État palestinien aux côtés d’Israël. "La question revient à la communauté internationale. La solution à deux Etats bénéficie d’un consensus international, de l’Europe, des pays des Brics, des pays Arabes et le consensus de la communauté palestinienne, les partis et la société. Comme il y a un consensus international pour deux États, notre président a appelé à un front uni pour préserver cette solution à deux Etats."
« C’est une guerre financière qui nous a été déclarée pour nous forcer à accepter le plan Trump. »
La visite du Premier ministre à Bruxelles est dominée par la crise financière que traverse l’Autorité palestinienne. Le président palestinien Mahmoud Abbas a décidé de se priver volontairement du revenus des taxes d’importation perçues par Israël. Depuis quelques temps, le gouvernement israélien a décidé de retenir une partie de cet argent palestinien, parce qu’il accuse l’Autorité palestinienne de l’utiliser au profit des familles de "terroristes palestiniens".
Les Palestiniens ont décidé de ne plus accepter ces fonds amputés, pour une question de principe. "Si nous acceptons cet argent, cela signifie que nous acceptons aussi la retenue, remarque Mohammed Shtayyeh. Il y aura des conséquences politiques et légales. Simplement, parce que nous dirions que nos prisonniers sont en fait des terroristes. C’est quelque chose que nous n’acceptons pas. Nos prisonniers sont des combattants de la liberté et pas des terroristes. Nous payons pour leurs familles. C’est une allocation sociale. C’est un soutien aux familles, aux orphelins dont le père a été tué par les Israéliens. "
Conséquence immédiate de la crise financière palestinienne : les salaires des fonctionnaires ont été divisés par deux. L’Autorité a demandé aux pays arabes de compenser le manque à gagner, sous forme de prêt. Mohammed Shtayyeh demande aussi aux Européens de faire pression sur Israël pour le rétablissement des paiements complets des droits de douanes au budget palestinien : "Nous avons besoin que la pression soit mise sur Israël. La question n’est pas seulement de compenser l’argent. Nous attendons que la communauté internationale le fasse, essentiellement l‘Europe, et la France en tant que gardienne du protocole économique qui a été signé entre nous et Israël en 1993. Le président Abbas a envoyé une lettre au président Macron pour lui demander d’intervenir. Je pense que les Français ont appelé Netanyahou pour débloquer entièrement l’argent, sans retenue. Nous voulons des pressions sur Israël pour le respect de l’accord signé et la fin des retenues des fonds."
Le Premier ministre palestinien voit ces réductions financières comme une façon de forcer les Palestiniens à accepter le futur plan de paix préparé par l’administration Trump. "Cela fait partie d’une guerre financière qui nous a été déclarée, pour briser l’Autorité palestinienne, pour la pousser à se rendre et à accepter le plan Trump. C’est quelque chose que nous n’accepterons pas, parce que cela compromet la justice minimum pour le peuple palestinien, un Etat dans les frontières de 1967 dans le cadre d’une solution à deux Etats."